DOC A TUNIS 2007
Tunis du 3 au 9 avril 2007
Comment se défendre des modèles dominants qui ont tendance à tout uniformiser ? Comment promouvoir la singularité et la spécificité face à la standardisation ? Ces questions, DOC A TUNIS se les pose, plus que jamais, pour définir sa propre manière de promouvoir le documentaire de création en fonction des enjeux du moment, dans les contextes particuliers des pays du sud de la Méditerranée, handicapés par l’absence d’un cadre de production et de diffusion.Dans ces pays, où le documentaire, maintenu dans un état de dépendance et de précarité, doit sa survie à l’initiative de quelques militants ou à des Don Quichotte, il est, aujourd’hui, très difficile de produire des œuvres de création en dehors des procédures de production internationales qui peuvent garantir la diffusion des produits et leur rentabilité. Faut-il donc, au nom de la préservation de l’identité, s’entêter à faire des films locaux, en autarcie ou s’ouvrir sur le marché international en se soumettant à ses exigences, c'est-à-dire au formatage ?
Dilemme ! Comment passer de l’artisanat, voire de l’amateurisme, à un mode de production industrialisé ? Quelle place des sujets liés à la mémoire et à l’authenticité culturelle de nos régions pourraient-ils bien trouver dans la foire d’empoigne d’un marché en plein boom où les maîtres mots sont le spectacle, le scandale, le sexe et le sang, où l’argument massue est l’audimat ?
Conditionné, façonné, selon l’acquisition de réflexes pavloviens, le goût du public est devenu une norme pour justifier la loi de l’offre et de la demande, tandis qu’un goulot d’étranglement en amont de la production donne aux diffuseurs droit de vie et de mort sur les projets en fonction de cahiers de charges tout à fait stricts, imposant même la manière de traiter les sujets. Paradoxalement, toute la profusion de festivals, de chaînes de télévision, de réseaux de distribution, sensés promouvoir le documentaire, participe en fin de compte, à la dilution de la création dans le magma journalistique, avec ses effets de mode et ses effets pervers.
Dans de telles conditions, la création muselée devient partout un acte de résistance suspect, marginalisé, menacé. DOC A TUNIS a donc choisi son camp. En restant fidèle aux principes fondateurs de l’attitude documentaire, ce festival vient rappeler au public, aux cinéastes et aux décideurs que ce genre
audiovisuel est par essence : dissidence, dissonance, discordance ; qu’il est, partout, l’adversaire du vedettariat, de la facilité, de la simplification réductrice et du divertissement débilitant. En effet, le documentaire dévoile, dépoussière, dénonce, distille des idées, défend la diversité, démolit les dogmes. Le documentaire doute, démystifie, déstabilise, dérange…
Ainsi, DOC A TUNIS se propose, en plein cœur de la Méditerranée, d’être le maillon d’une chaîne de solidarité ayant pour vocation de défendre l’éthique du documentaire. En mobilisant et suscitant l’engagement d’un public exigeant, autour de films et de thématiques, cette manifestation a l’ambition de soutenir la démarche d’auteurs et de producteurs qui cherchent de nouvelles façons de raconter et de produire, en se démarquant des procédures tayloristes avec leurs valeurs morales et esthétiques.
Hichem Ben Ammar, conseiller artistique