Au delà des apparences, la fabrique du réel

Décentrer le regard, ouvrir le champ

Depuis son lancement en 2006, Doc à Tunis n’a de cesse d’élargir notre champ de vision en donnant à voir de multiples points de vue sur le monde portés par des réalisateurs d’Afrique, d’Asie, d’Europe et des Amériques. Le genre documentaire a la force de filmer le réel au plus près tout en en perturbant les règles. Par son déplacement cinématographique, il apporte des nuances et des variations qui ont le pouvoir de déstabiliser la pensée unique, de traverser les apparences, tordre les clichés. Mû par un engagement du regard, le film documentaire fabrique du réel à partir de la réalité parfois la plus crue, d’un quotidien, à partir de personnes et de paysages qu’on ne voit plus ou qu’on n’entend pas, si proches ou si lointains, à partir de nous, de notre humanité. 

Une fabrique citoyenne et durable

A l’ère du zapping, de la fragmentation de l’attention et de la démultiplication des images, Doc à Tunis revendique plus que jamais la nécessité de prendre le temps de voir un film documentaire ensemble, qui reflète et interroge la complexité du monde. Les films documentaires sélectionnés dans Doc à Tunis sont avant tout l’oeuvre d’auteurs engagés dans leur environnement qui entretiennent un lien particulier avec leur réalité, artistique et éthique. Ils posent un regard dessus, s’en emparent, la creusent, la malaxent, pour mieux Voir. De singularité en singularité, aux quatre coins du globe, se tisse alors une communauté de regards citoyens dans laquelle Doc à Tunis et tous ceux qui l’accompagnent depuis sa création se reconnaissent. Grâce à une programmation exigeante, des rencontres et des espaces de discussion, le festival contribue ainsi à forger un regard critique et à développer la conscience des publics tunisiens sur l’actualité, le sens du politique et leur place dans le monde. Les salles de cinéma le 4ème Art, la Maison de la Culture Ibn Rachiq, le Colisée, le Mondial, et la nouvelle Cité de la Culture, seront des espaces propices, au coeur de la capitale tunisienne, à la circulation du film documentaire dans l’espace public et ouverts à l’échange. Car la fabrique du commun, l’expérimentation du réel, essentielles à la mission de Doc à Tunis dans la cité, ne vaut que si elles sont partagées et que s’il y a appropriation des films et des questions soulevées par les films dans le temps. S’adresser au public le plus large, à chaque édition, depuis 13 ans, quelles que soient les circonstances, tel est l’un des principes fondateurs de Doc à Tunis, festival qui réaffirme son choix d’être entièrement gratuit et qui fait le pari de la longévité.

Catalyseur de talents

Doc à Tunis a toujours joué le rôle de catalyseur de talents pour de nombreux jeunes étudiants et cinéastes amateurs qui après avoir éprouvé leur vocation au cours du festival, se sont lancés dans l’aventure du documentaire. L’intérêt pour le genre a été, depuis, relayé et pris en compte par le festival officiel des Journées Cinématographiques de Carthage qui a ouvert sa programmation au documentaire en lui consacrant plusieurs sections spécifiques. D’autres initiatives ont suivi également dans le pays (festivals à Douz, Médenine, Redeyef, compétition à Djerba…) qui en assurent la promotion à travers production, diffusion, communication et ateliers de formation. Ces manifestations, sans compter les nombreux nouveaux films nés après 2011, témoignent de la vitalité du genre documentaire en Tunisie, de l’existence d’un public ainsi que d’un véritable tissu culturel et associatif. Dans ce sens, les membres de la Fédération Tunisienne des Ciné-Clubs (FTCC) et les étudiants des écoles de cinéma de Tunis et toutes les associations de cinéma qui le souhaitent, seront associés à la construction de Doc à Tunis 2018, autour des multiples master class et rencontres professionnelles.

Une sélection de films de création, unique à Tunis

Depuis ses débuts, Doc à Tunis puise inspiration et soutien auprès de festivals prestigieux avec lesquels il a construit des partenariats actifs (le FID de Marseille, l’IDFA d’Amsterdam, le Film documentaire de Lusses, le Cinéma du Réel de Paris, Visions du réel-Festival international de cinéma de Nyon ainsi qu’avec le Département documentaire de Arte). Cette année encore, des films sélectionnés voire ou récompensés en 2016 et 2017 par les plus grands festivals internationaux du documentaire seront choisis dans la programmation. Doc à Tunis est un « festival sans visa », qui offre aux publics tunisiens l’occasion de voir des films nouveaux, d’une grande exigence cinématographique, pour la première fois à Tunis — car ils sont seulement diffusés dans des festivals étrangers. En effet, le festival privilégie la création documentaire contemporaine, la plus récente, venant de tous les continents, dont les démarches artistiques originales sont en phase avec les préoccupations du monde actuel. Master class et rencontres Toujours dans un esprit de filiation et transmission, Doc à Tunis proposera aux cinéastes tunisiens Hamza Ouni, Nouri Bouzid, Hichem Ben Ammar ainsi qu’à des réalisateurs internationaux invités, de diriger des masters class sur le documentaire au sein de l’EDAC (Ecole des Arts et du Cinéma de Tunis). Certains ateliers plus techniques s’adresseront aux professionnels et étudiants de cinéma, d’autres plus générales seront ouvertes aux cinéphiles et au grand public. Seront invités à ce tremplin cinéphile et professionnel, six cinéastes internationaux emblématiques d’une génération aux multiples talents : la marocaine Tala Hadid, le syrien Ziad Kalthoum, le congolais Dieudo Hamadi, ainsi que trois autres documentaristes français. Ces moments constitueront des occasions importantes d’échange et de partage d’expériences pour les jeunes réalisateurs tunisiens, pours les publics, et pour le rayonnement du festival hors de ses frontières. Décentralisation culturelle dans les régions Cette 12ème édition, fidèle à la liberté d’expression et de création acquise après la révolution de décembre 2010-janvier 2011, mettra particulièrement à l’honneur l’extraordinaire laboratoire de création documentaire des jeunes cinéastes tunisiens né dans le sillage de cette période charnière. En tant que plateforme de promotion de la production nationale, le festival lancera une section dédiée aux films documentaires tunisiens réalisés après la révolution qui sera diffusée dans les régions intérieures, Kairouan, Bizerte, Sfax, Zaghouan ,Sidi Bouzid et Nefta, puis suivie de tables rondes avec les publics. Poursuivant ainsi sa mission de décentralisation culturelle, Doc à Tunis s’implique dans le mouvement collectif en faveur de la sensibilisation des publics des régions éloignées des foyers culturels grâce à l’appui de ses nombreux relais locaux.